Ecoles de Commerce Liste des écoles La Crème de La Crème, un film sur les ESC ?

La Crème de La Crème, un film sur les ESC ?

La crème de la crème n'est pas un film sur HEC et les Ecoles Supérieures de Commerce.

C'est un film sur l'amour en milieu étudiant, sur la trouille de ne pas être assez bien pour l'autre, d'être rejeté, de s'investir sentimentalement pour finir par se prendre un mur. La crème de la crème est un formidable teen movie à la française, un net cran au dessus des autres productions du genre. Mais, présenté comme ça, c'est plus compliqué de justifier une douzaine de corps dénudés sur l'affiche du film.

Alors le marketing de La crème, sans doute un peu poussé par les illusions de son réalisateur quant à la portée sociologique de son film, a axé sa communication sur les écoles de commerce pleines de petits cons arrivistes, et la prostitution (gênant amalgame s'il en est). Si le sexe fait vendre à l'année, marronnier de l'humanité, le climat de crise est propice au bashing en règle de ceux qui sont perçus comme les élites et des institutions qui les hébergeraient. Du bain béni pour la tournée promo.

Mais des ESC, dans La Crème, qu'en voit-on ? On assiste à des soirées étudiantes, déguisées ou non, on constate la popularité des membres du BDE et, c'est à peu près tout. Rien qui n'aurait pu être transposé dans n'importe quelle IUT ou fac, parisienne ou de province. Les deux seuls apports réels du monde des grandes écoles au scénario sont la définition du sexe selon des lois du marché (à renforts de phrases toutes faites piquées à des sites de pick-up artists qui ont une compréhension éco-socio du niveau d'un première ES) et les réticences de plusieurs personnages à s'avouer leurs sentiments à cause de leur classe sociale (l'étudiant en prépa versaillais contre l'admise sur dossier banlieusarde). Et que dire de l'édifiant passage en école d'ingénieur, où l'on rencontrera des ados boutonneux prêts à tout pour avoir leur premier rapport sexuel. Niveau mépris de classe et condescendance, ce passage se pose là et vient torpiller tout le reste du discours sur les ESC.

Reste le sujet de la prostitution, traité par dessus de la jambe et de façon ultra naïve, puisque toutes les filles sont consentantes, aucun dérapage avec un client n'a lieu et que les préservatifs et MST sont un non-sujet. La liste des points gênants est encore longue. Et apprécier La Crème, c'est aussi rester lucide sur la trop grande légèreté de cette partie du script, les trous béants dans sa logique interne et les relents de misogynie un peu crasse qui peuvent en découler.

La crème de la crème ne démontre qu'une chose : que les soi-disant élites ne sont pas mieux armées pour affronter les rapports amoureux, qu'une vision purement économique de l'humain mène forcément dans le mur. Surtout, le film ne critique rien, ne pointe du doigt que des clichés propre à toute école, de commerce ou non, supérieur ou non. Pour une véritable déconstruction du système des ESC, ou une réflexion profonde autour de la construction des élites et leur rapport aux autres, il faudra chercher ailleurs, très loin.

Prétentieux dans son intention, parfois touchant dans son exécution, La crème de la crème vaut bien mieux que son marketing. Et c'est parce que le film s'éloigne de ses promesses racoleuses pour explorer les premiers amours et les terreurs que cela peu inspirer qu'il est, finalement, une plutôt bonne surprise.

Matthias Jambon AUTEUR : Matthias Jambon

Diplômé du CELSA en Stratégie Marketing, je travaille et étudie les nouvelles évolutions des produits culturels à l'heure du numérique.

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