Ecoles de Commerce Liste des écoles Je n’ai pas fait d’école de commerce…

Je n’ai pas fait d’école de commerce…

...et je prends la parole sur ce site. Je ne sais pas ce qui est le plus étonnant dans tout cela : le fait que je m'exprime sur ce site, ou le fait que je n'ai pas fait d'école de commerce... Eh oui, qu'on se le dise, de nos jours il y a encore des gens qui ne font pas d'école de commerce.

Il y a près de sept ans de cela, j'étais pourtant bien partie. Mon bac mention très bien en poche et débordante d'ambition et de volonté, je suis entrée dans les études supérieures par la porte des classes préparatoires, bien décidée à mener mes études avec brio.

Ceci étant, quelque chose clochait déjà a l'époque, car j'étais en prépa Lettres et Sciences humaines, autrement dit le dernier échelon de l'élite, le no-man's-land des CPGE, les loosers de l'Intelligentia...

Mais bon, je m'y plaisais pas mal moi, en prépa, jusqu'à ce que se pose la question fatidique : Où tout cela allait-il me mener. Plusieurs options se présentaient alors : l'ENS – sauf que bon, il ne fallait pas exagérer – Science po – sauf qu'a l'époque, je connaissais a peine le nom du premier ministre – et les écoles de journalisme – sauf que je ne voulais pas être journaliste.

Heureusement il restait une toute dernière option : tenter une école de commerce. A l'époque on nous vendait ça comme la panacée, la voie royale pour... enfin bon clairement pour avoir un bon job bien payé plus tard, sans se donner trop de mal. Et puis ça avait l'air sympa, les étudiants très propres-sur-eux qui venaient nous en parler avaient l'air plutôt contents de leur cursus en finance et de leurs stages en consulting, et ne cessaient de nous répéter que non-non-non ça ne posait pas de problème de venir de prépa littéraire et que si-si-si on pouvait tout comprendre à la compta analytique, nous qui savions a peine effectuer une soustraction.

Donc c'était un peu la grosse question que se posaient tous les étudiants en prépa Lettres qui n'avaient pas envie de finir de la manière que la société entière leur prédisait, parce qu'ils avaient choisi la filière, certes élitiste, mais néanmoins poubelle, à savoir bibliothécaire, documentaliste ou prof...

En ce qui me concerne, la question n'a pas été plus loin que la prise de renseignement sur les frais d'inscription aux concours d'entrée. Cela représentait l'intégralité de mes maigres économies, il était hors de question que tout cela soit peut-être dilapidé au vent parce qu'au fond je n'étais pas certaine de décrocher une seule des écoles. Et puis la perspective de devoir m'endetter pendant des années pour payer ma scolarité ne me faisait pas vraiment palpiter non plus...

Comme il ne me restait plus vraiment d'option, je m'en suis inventée une moi-même, j'ai claqué la porte de l'élite et je suis partie valider tranquillement ma troisième année de licence a l'étranger. A mon retour, toujours aussi perdue quand à mon avenir professionnel, je commençais à revoir le spectre des écoles de commerce me tendre ses bras tentaculaires...

Quand je parlais de mes projets d'avenir a des gens, on me disait « Tu devrais faire une école de commerce ! ». Quand je décrivais mon parcours, on me répondait « Mais pourquoi tu n'as pas fait une école de commerce ?! ». Quand je disais que j'étais perdue et que je ne savais pas quoi faire de ma vie, on me disait : « Bah fais une école de commerce ! »...

Je commençais à me dire que je n'allais pas résister longtemps à la perspective d'une carrière toute tracée et d'un salaire agréable... et qu'avoir comme projet professionnel « Sauver le monde », c'était bien beau mais qu'a un moment il fallait peut-être redescendre sur terre et songer a gagner de l'argent comme tout le monde.

Heureusement, la solution m'est tombée du ciel un beau jour de janvier sous la forme d'un stage qui m'ouvrira les portes d'un tout autre monde... Enfin, je sus ce que je voulais faire de ma vie. Je ne ferais donc pas d'école de commerce. CQFD.

Parce que c'est cela au fond : j'ai comme l'impression que si les jeunes se dirigent vers les écoles de commerce, c'est parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils veulent faire. Ou plutôt qu'on a tué en eux toute inventivité et toute aspiration à sortir du moule en leur répétant la même rengaine depuis qu'ils sont en 5ème : « Chômage-pas de débouchés-chômage-pas de débouchés-chômage-pas de débouchés... ».

Personnellement, on a commencé à me parler de ces foutus débouchés en seconde, quand j'ai envisagé de faire un bac Littéraire. A entendre mon entourage, ça ne pouvait se solder que par un emploi dans un Centre de documentation ou dans une Librairie... Bonne ambiance. Bref. J'ai pu constater que les écoles de commerce se vendent sur deux tableaux : 1) Une école de commerce vous permettra de faire absolument tout ce que vous voulez par la suite dans la vie. 2) Vous aurez un (très) bon salaire a la sortie de vos études, comme le prouvent les statistiques.

Bon, ce qu'on ne dit pas en revanche, c'est qu'il sera difficile de combiner les deux avantages. Vous voulez faire ce que vous aimez, changer le monde, sauver la planète, les dauphins, les tortues, les enfants pauvres, les femmes battues, l'éducation, la culture, les malades du Sida ? Faites-le, mais vous ne gagnerez pas plus qu'un autre, sous prétexte que vous avez sur votre CV le nom d'une école prestigieuse.

Vous voulez gagner plein d'argent ? Tournez-vous vers la finance, les multinationales, les banques, mais oubliez alors toute velléité révolutionnaire. Je n'ai pas fait d'école de commerce, je ne peux donc que noter ce qu'on me dit a leur égard. Et j'en ai entendu beaucoup. J'ai rencontré des gens qui étaient très contents de leur 30 000 euros d'investissement et de la perspective s'enfermer pour le restant de leur carrière dans une tour à regarder des chiffres danser sur un écran.

J'en ai rencontré d'autres qui étaient tellement dégoutés d'être tombés dans le panneau qu'ils voulaient tout plaquer pour aller élever des chèvres dans le Larzac. D'autres qui ne se posaient pas de questions parce qu'à 23 ans, sans même avoir encore touché de salaire, ils avaient déjà des dettes de la valeur de trois voitures. Et d'autre pour lesquels Papa-Maman avait allongé la monnaie et qui pouvaient encore se permettre de glander quelques années avant de trouver leur voie.

J'ai rencontré des gens très satisfaits par leur expérience, et d'autres qui dénonçaient le système et la pompe à fric que cela représente. J'ai entendu de nombreux témoignages de personnes qui remettaient en question la qualité de l'enseignement, la pertinence de son contenu et sa claire orientation vers le besoin de faire des étudiants d'écoles de commerce des machines a produire de l'argent pour les entreprises qui les embaucheront par la suite. J'ai également rencontré des étudiants qui sortaient du même type de filière mais dans le secteur public, et qui en étaient très satisfaits.

J'ai lu des articles. Et encore des articles...

Forte de tout cela, aujourd'hui, je ne regrette vraiment pas mon choix. Je ne pourrais rêver pour moi-même d'une meilleure situation professionnelle (pour votre information, je n'ai fini ni bibliothécaire, ni documentaliste, ni prof), je fais ce que j'aime, je gagne décemment ma vie et ça n'est pas parce que j'ai fait une école de commerce que j'en suis arrivée là. Si j'en avais fait une, je serai pieds et poings liés par des impératifs financiers, je ne pourrais pas me permettre de vivre où je vis et de faire ce que je fais.

La chose que je reproche aux écoles de commerce aujourd'hui, c'est d'exploiter les doutes et les angoisses d'une génération de jeunes, en leur vendant – très cher – un rêve qui cache souvent un réveil brutal. Et l'impression qu'elles donnent d'être ancrées dans un système qui aujourd'hui a prouvé ses limites, son injustice et sa violence, et qui d'ailleurs s'écroule de toutes parts.

Mais gardons les pieds sur terre. Je n'ai pas fait d'école de commerce, je juge donc de l'extérieur et mon point de vue est peut-être totalement erroné. J'ai aussi rencontré des gens exceptionnels qui sortaient de ces écoles, et desquels j'ai beaucoup appris. Au fond tout ce que je voulais dire, c'est que je n'ai pas fait d'école de commerce, et que j'ai quand-même un avenir...

Merci à Sabine pour ce point de vue extérieur. Nous espérons que vos commentaires permettront de construire le débat ! Vous aimez la plume de Sabine ? Nous vous invitons à faire un petit tour sur son blog "My Totebag".

Sébastien Lardez AUTEUR : Sébastien Lardez

Fondateur d'Ecoles2commerce.com et diplômé de GEM. Je blogue sur le monde des grandes écoles de management et m'intéresse particulièrement au web, à l'innovation et au monde de l'entrepreneuriat.

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