@Jeune_Diplômée en recherche d'emploi !
En juin dernier, la conférence des Grandes Écoles a publié sa dernière enquête d’insertion des jeunes diplômés. Malgré la crise, cette étude montre que les diplômés des grandes écoles se portent plutôt bien sur le marché du travail. Ainsi, selon la CGE, 78,5% des jeunes diplômés d’écoles de management ont trouvé leur premier emploi en moins de deux mois.
Mais pour les autres, le chemin vers l’emploi peut se révéler plus compliqué que prévu, surtout lorsqu’on choisit un domaine d’activité prisé ou un parcours un peu différent. C’est notamment le cas d’Alice qui éprouve quelques difficultés dans sa recherche d’emploi et qui a lancé récemment le tumblr Jeune Diplômée pour en parler.
Salut Alice ! Est-ce que tu peux nous parler un peu de ton parcours jusqu’au diplôme pour commencer ?
Alice : Oui. Après mon bac ES (mention très bien) je suis partie en prépa éco, à Paris. A la fin des deux années de prépa, j’ai passé les concours et j’ai intégré une grande école de commerce, à Paris également (une des trois "Parisiennes"). Là j’ai suivi un parcours plutôt classique. J’ai fait une année de césure, avec 2 stages de 6 mois en marketing, puis un accord d’échange en Chine, et une option de spécialisation en Innovation. Je vais être diplômée en septembre, je fais donc partie de la promo 2012.
Tu as donc fait des stages et tu es partie à l’étranger pendant ton cursus, comme la plupart de tes camarades de promo ?
Alice : Oui, quasiment tout le monde fait une année de césure. C’est presque un passage obligé, même si ce n’est pas imposé par l’école (on doit juste effectuer un nombre minimum de semaines de stage, mais avec une césure on va bien au-delà de ce quota). Cela permet de découvrir le monde du travail (même si on a déjà mis un pied dedans avec le stage de 1ère année) et surtout d’essayer un métier et de voir ce qu’on aime, ou pas ! Le séjour à l’étranger est aussi incontournable. Cela passe par un semestre ou plus sur un campus étranger de l’école, ou par un accord d’échange dans une université partenaire. C’est ce que j’ai choisi : je suis partie étudier 5 mois à Canton (Chine).
Depuis combien de temps cherches tu un emploi ? Quel bilan peux tu déjà tirer de ces premières semaines de recherche ?
Alice : J'ai fini les cours en mai et je cherche un job à plein temps depuis juin. Je serai diplômée en septembre. Ce qui m'énerve c'est quand les gens te disent "oh mais avec ton école, tu n'auras pas de mal à trouver du travail". C'est faux ! J'ai intégré l'école en 2008, au début de la crise. Pendant toute ma scolarité on nous a dit "ne vous inquiétez pas, ça va s'arranger", mais en fait non. La crise n'est pas passée et tout ce qu'on nous promettait à l'entrée de l'école (embauche avant même d'être diplômé, salaire confortable, etc) est remis en cause.
J’ai vu plusieurs de mes camarades de promos précédentes galérer à trouver un job, ou accepter un emploi qui ne leur plaisait pas faute de mieux. Je ne peux pas me plaindre parce que c’est vrai, je suis privilégiée et je ne resterai probablement pas longtemps au chômage, mais je veux qu’on arrête de raconter des contes de fées aux préparationnaires et aux jeunes admis : les entreprises ne viendront pas vous proposer un job, la recherche d’emploi sera sûrement plus longue que ce que vous croyez, plus fastidieuse, et à la fin vous n’aurez peut-être pas le poste dont vous rêviez.
Dans le blog je raconte l’histoire d’une désillusion : même si vous avez fait beaucoup de sacrifices en prépa, si vous avez intégré une des meilleurs écoles, si vous avez tout bien fait, à la fin vous rendez compte que ce n’est pas aussi facile que ce qu’on vous avait promis parce qu’il y a une énorme concurrence sur le marché de l’emploi.
En fait, je pense qu’il est relativement simple de trouver rapidement un job après une école de commerce si on suit une voie "classique" (type conseil/finance), vers laquelle s'oriente une grosse partie de la promo. Mais dès qu'on sort des sentiers battus (secteurs de la com, des médias, de la culture, ou emploi à l’étranger), la recherche est plus longue. C'est mon cas. Le premier bilan c’est qu’il faut avoir un projet professionnel clair (mais après 3 ou 4 ans d’école, beaucoup de jeunes diplômés ne savent toujours pas ce qu’ils veulent faire !) et être patient. Mais c'est mon opinion personnelle, je ne sais pas si tous les étudiants ont la même vision des choses.
Pourquoi avoir lancé ce blog Jeune Diplômée ?
Alice : J'ai créé ce blog un soir où je m'ennuyais. Je déprimais un peu parce que ma recherche de job n'avançait pas, et comme j'aime bien bloguer et que j'avais pas mal de trucs à raconter, j'ai créé ce Tumblr et j'ai commencé à écrire. L'objectif de ce blog c'est avant tout de balancer tout ce que j'ai sur le cœur, de me lâcher, mais aussi de faire partager ce que j'apprends au fur et à mesure de ma recherche d'emploi. C'est pour ça que j'ai créé ce personnage de "Jeune Diplômée" qui n'est pas vraiment moi, pour que tout le monde puisse s'identifier. Et tout ça en essayant d'alterner épisodes déprimants et amusants, parce que je suis une fille drôle (et avec beaucoup de second degré).
Dans certains de tes articles, tu sembles assez critique de la formation que tu as suivi. Avec le recul, regrettes-tu ton choix de faire une école de commerce ? Et si c’était à refaire, que changerais tu ?
Alice : Absolument pas ! J’ai adoré mes années d’école ! J’ai rencontré des gens formidables, j’ai eu des cours d’un excellent niveau académique, et je me suis investie dans plusieurs associations, ce qui m’a vraiment permis de m’épanouir. Et surtout cela m’a permis d’envisager tout une palette de métiers (de la finance aux RH) que je n’aurais sans doute pas abordés dans un autre cursus. Ce que je regrette c’est que l’école ne nous prépare pas forcément à l’après. On n’aborde quasiment jamais la question de la sortie de l’école en cours. Certes, on peut s’appuyer sur l’association des anciens élèves, qui propose des ateliers (par exemple “comment faire son CV”), mais ce n’est pas suffisant. En fait l’école devrait nous mettre en garde et nous préparer à entrer sur le marché de l’emploi au lieu de nous traiter comme des enfants gâtés ! Mais le principal problème c’est que le marché de l’emploi est super dur, et ça l’école n’y peut rien.
Est-ce que tu connais des gens qui sont dans la même situation que toi ?
Alice : En fait non, je ne connais pas beaucoup de personnes dans la même situation que moi (d'où ce besoin d'en parler sur un blog). La plupart de mes camarades de promo ont soit reçu une promesse d'embauche à la fin de leur césure (cas plutôt rare), soit trouvé assez rapidement dès la fin des cours, soit ne sont pas encore en train de chercher (parce que en vacances/accord d'échange, pas d'urgence parce que leurs parents sont sympas, etc). Par contre je reçois beaucoup de commentaires sur Facebook et Twitter. En fait je raconte des situations que beaucoup d'autres étudiants ont vécues (le problème des stages par exemple), en plus des épisodes plus personnels, et les gens s'y reconnaissent.
C’est quoi le “problème des stages” selon toi ?
Alice : Les stages sont indispensables parce que cela permet aux étudiants de découvrir un secteur ou un métier, et de savoir s’ils aimeraient y travailler après leur diplôme. Pour les entreprises cela devrait être un moyen de repérer des jeunes talents en vue d’une embauche. Mais en réalité, les stagiaires sont devenus une main d’oeuvre bon marché et docile. J’ai vu des entreprises où il y avait autant de stagiaires que de salariés... Du coup, cela incite les étudiants à choisir leur stage selon d’autres critères. Par exemple, j’ai accepté un stage simplement parce qu’il était bien payé. Bien sûr après je l’ai regretté, parce que le job ne me correspondait pas du tout, mais qui peut vivre pendant un an de césure à 600€ d’indemnités/mois ?
Le second problème c’est que la longueur des stages n’a plus de limites. On fait des stages de 12, voire 18 mois ! (Et tout ça sans vacances bien sûr). J’ai beaucoup de camarades de promo qui vont faire un stage de fin d’études (alors qu’ils ont déjà fait un an de césure). Et si l’entreprise ne leur propose pas de CDI à la fin du stage, on fait quoi ? On devient stagiaire éternel ?
Que penses-tu de l’orientation professionnelle en école de commerce ? Est-ce qu’il existe des structures d’accompagnement dans ton école ? En as-tu profité ?
Alice : Dans mon école, on a une excellente structure d’accompagnement : l’association des anciens élèves. Si tu cotises à l’asso des anciens, tu as droit à de nombreux services : aide pour faire ton CV, coaching personnalisé, ateliers en groupe pour se préparer aux entretiens, événements de networking, etc. Le problème c’est que peu d’élèves connaissent précisément le rôle de l’asso, on ne nous en parle pas tellement. Moi-même, j’ai cotisé quand je suis rentrée à l’école (il y a 4 ans), mais j’ai vraiment fait appel à elle il y a 2 mois ! C’est souvent un peu tard. On ne peut pas construire un projet professionnel en 2 semaines.
L’autre biais que j’ai remarqué, c’est que quand tu feuillettes l’annuaire des anciens ou que tu vas à des événements de networking, tu rencontres surtout des gens qui ont entre 30 et 50 ans, qui ont donc eu le temps de se construire une belle carrière. Naïvement tu te dis “je vais bientôt être comme eux”. Ce qu’on ne te dit pas c’est que ces anciens élèves qui ont réussi sont probablement passés par une période moins rose : celle dans laquelle tu t’apprêtes à entrer, où tu as peu d’expérience professionnelle à faire valoir, où les chasseurs de tête ne s’intéressent pas à toi, où tu dois faire tes preuves, où tu te cherches encore, etc.
Avec le recul, ce qui me frappe aussi, c’est que l’école ne nous prépare pas du tout à la césure, alors que c’est le chemin que prennent les trois quart de la promo ! On a des amphis de présentation sur “comment choisir son campus ou son option de spécialisation”, mais rien sur “comment préparer sa césure”. Alors que c’est fondamental.
Quelques mots pour conclure cette interview ?
Alice : Oui, j’espère qu’on refera une interview dans quelques mois ou années, je vous raconterai comment j’ai trouvé le job de mes rêves et vous dirai que finalement, trouver un travail c’était pas si difficile !
Le rendez-vous est pris ! Nous souhaitons en tout cas bon courage à Alice dans sa recherche d’emploi. Vous aussi, vous êtes jeune diplômé et vous avez ou avez eu des difficultés à trouver votre premier emploi ? Ou au contraire, vous avez trouvé très rapidement votre CDI ? Nous vous invitons à réagir à cet article dans les commentaires.
Fondateur d'Ecoles2commerce.com et diplômé de GEM. Je blogue sur le monde des grandes écoles de management et m'intéresse particulièrement au web, à l'innovation et au monde de l'entrepreneuriat.