Point de vue d’un insider sur les WEI et les bizutages
Attention je tiens à vous prévenir tout de suite que cet article n’a absolument pas pour but de faire un amalgame entre week-end d’intégration et bizutage, comme on peut le lire un peu partout depuis quelques mois sur internet. Il n’a pas non plus pour but de protéger nos associations d’écoles de commerce qui organisent cet évènement tous les ans.
Mon point de vue est celui d’une personne ayant participé à plusieurs WEI, en tant que participant mais également en tant que staffeur. C’est aussi le fruit de longs échanges à ce sujet avec d’autres camarades de différentes écoles de commerce.
Les week-ends d’intégration provoquent un large débat et compte-tenu des évènements passés (viols, comas éthyliques, bizutage, scènes de dépravations étalés sur les réseaux sociaux, etc.), cela se justifie pleinement.
Laissez donc les jeunes s’amuser, de notre temps c’était pareil !
La première réaction que l’on peut avoir, du moins si on a participé à ce type d'événement, c’est de se dire «non mais c’est comme ça depuis des années, pourquoi d’un seul coup on s’inquiète de ce qui se passe pendant ces weekends». Telle était aussi ma réaction au départ.
Lors de mes différents échanges avec des étudiants d’autres écoles, le constat est cependant souvent le même : c’est chaque année un peu plus dans le n’importe quoi. Les mots qui reviennent souvent dans la bouche de mes amis sont «C’est scandale !».
Pour quelqu’un qui n’a pas fait d’école de commerce, on peut se dire que nos jeunes étudiants sont très réalistes et qu’ils dénoncent certains comportements « border line ». Détrompez vous «C’est scandale !» en langage école de commerce, ça veut dire «C’est trop bien !».
Le problème n’est pas tant dans le «scandale» mais surtout dans l’escalade au scandale. La logique veut que l’on fasse toujours pire, toujours plus scandale. D’après moi, c’est le point de vigilance essentiel. Il est juste temps de redescendre un peu le curseur sur «gentil scandale». Courir nu entre les bungalows, c’était quand même bien plus drôle que de terminer la soirée à l’hôpital, non ?
Mais vous buvez trop aux week-ends d’intégration !
Bien sûr que l’on boit à une soirée de weekend d’intégration, comme vous buvez à un mariage, comme vous videz la cave à vin un soir de retrouvailles entre amis. Dire qu’il n’y a pas d’excès de boissons alcoolisées aux soirées de week-end d’intégration serait totalement hypocrite.
A mon avis, les organisateurs doivent seulement anticiper un peu plus les choses. Par exemple, on peut parfaitement limiter le nombre de boissons aux participants. On distribue un certain nombre de tickets boissons aux étudiants et l’affaire est presque réglée. Quand je dis «un certain nombre de tickets boissons», j’entends par là un nombre raisonnable de tickets…
Le but n’est pas de contourner l’interdiction sur les open bars mais de limiter réellement le nombre d’étudiants qui dépassent leurs limites. Bien sûr, c’est complexe, chaque individu est différent et la dose d’alcool maximale varie d’un individu à l’autre. Cependant, il n’est pas interdit ensuite de faire du cas par cas en fonction de l’état « d’avancement » de la personne.
C’est dans ce sens que les organisateurs doivent être responsables, un étudiant qui s’occupe du bar doit savoir que si son camarade lui demande un verre et est déjà bien entamé, il est plus raisonnable de lui donner un verre de whisky coca sans whisky (en plus il n’y verra que du feu, testé et approuvé !). Une vraie logistique peut être mise en place avec des verres sans alcool et des verres avec alcool. Les boites de nuit le font bien pour réduire leurs frais, elles vont même jusqu’à couper la bière à l’eau.
La présence du Samu ou autre organisme sur place est également indispensable, à laquelle peut s’ajouter une équipe de sécurité, en charge de raccompagner à leurs bungalows les étudiants les plus agités.
Et le bizutage la dedans ?
Le bizutage est un sujet nettement plus complexe. Qui est capable de dire où se trouve vraiment la frontière entre bizutage et jeu entre amis ? C’est d’ailleurs là que se trouve le danger. Au lieu de faire des lois anti-bizutage, de faire des amalgames pas possibles, d’interdire les week-ends d’intégration, il serait peut être plus opportun de se poser la question de ce qu’est réellement le bizutage.
L’article 14 de la loi du 17 juin 1998 (De mémoire ;-) ), stipule que le bizutage est : «Le fait pour une personne, d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations, ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif».
La loi annonce déjà la couleur, on est en plein dans le coeur de cible ! En revanche, les termes «humiliants ou dégradants» ne nous avancent pas beaucoup…
Définition de «dégradant» : «Infliger une peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant», définition de «humiliant» : «Rabaissement de l’amour propre, conduisant à une mortification, un état d’impuissance ou soumission». Nous ne sommes pas plus avancés…
Dire «non mais personne n’est obligé» est la première erreur des organisateurs des week-ends d’intégration. Evidemment que les étudiants ne sont pas obligés ! Et s’il reste encore des activités obligatoires aux WEI de certaines écoles alors très franchement, oui, il faut dénoncer et punir. Dans la grande majorité des cas, le temps où l’on était obligé de faire des choses est terminé.
Le problème de fond est plus vicieux... Personne n’est obligé mais la pression sociale fait que... on le fait quand même. Un étudiant qui a bossé comme un fou pour arriver dans son école ne veut pas tout gâcher, une fois arrivé au WEI. Plus on fait de choses «scandales», plus on se prête au jeu et plus on est célèbre dans l’école…
La dynamique de groupe à aussi un pouvoir extrêmement important. Ce n’est même pas une question d’être faible ou non, les plus forts d’entres nous sont également passés par là.
De toute façon si l’on regarde bien l’article de loi, le plein gré de la personne n’empêche pas qu’il s’agisse malgré tout d’un bizutage. Plutôt que des grands discours, des lois, des interdictions, il faudrait surtout se pencher sur une vraie sensibilisation au problème.
Faire venir des anciens bizutés, qui sont prêts à témoigner face aux étudiants et face aux organisateurs, serait déjà nettement plus productif. Ce sont les mentalités en profondeur qu’il faut changer. Que chacun comprenne que, sans le vouloir, on peut imposer quelque chose à quelqu’un qui donne l’impression d’être entièrement d’accord.
La responsabilité de l’école ?
Cette rentrée à été ponctuée de grands discours des directeurs des écoles sur le bien et le mal, sur les poursuites possibles en cas de faux pas avant les départs aux week-ends d’intégration. En effet, il faut en passer par là, mais la solution serait surtout de mettre vraiment les moyens, de financer un service de sécurité, et pas la sécurité la moins onéreuse, que les organisateurs ont trouvée pour limiter les frais aux étudiants.
Les écoles ont déjà largement commencé à le faire mais il faut également imposer des formations aux premiers secours pour les organisateurs. Si l’on doit encore résumer en termes d’investissement, c’est certainement le meilleur lorsqu’on voit le lynchage médiatique que certaines écoles ont pu subir l’année dernière aux retours de weekend d’intégration.
Il ne faut pas aussi perdre de vue que le phénomène n’est pas exclusif aux écoles de commerce. Si les écoles savent utiliser les médias pour faire parler d’elles, les médias ont également décidé d’en faire leurs boucs émissaires. Au lieu de regarder le fond du problème, on se contente donc de taper sur les écoles de commerce…
Passionné du monde des écoles et de la formation. Féru de nouvelles technologies et de réseaux sociaux!