Principes fondamentaux de l'entretien
Cet article est extrait de l'ouvrage Prépa HEC, d'admissible à intégré
On l’a dit, un des immenses travers des candidats est de cesser complètement de travailler après les écrits ; cela est d’autant plus mal vu de leur part que la réussite de l’entretien requiert un long travail de préparation tactique. Celui-ci nécessite non seulement une réflexion importante, mais également le temps de faire mûrir cette réflexion afin de l’étoffer, et de préparer des réponses réfléchies à donner aux jurys.
Pour cette raison, le “plan de bataille”, c’est-à-dire la détermination des éléments à préparer, devrait être dans ses grandes lignes terminé au plus tard quinze jours avant le début des oraux. Cela vous laissera aussi le temps de confronter vos idées avec vos camarades de prépa ; il n’y a rien de mieux que de discuter des arguments qu’on souhaite mettre en avant avec des interlocuteurs qui vous connaissent bien, car ils ont un regard extérieur pour vous corriger en connaissance de cause.
Vous devriez même aller plus loin : à quatre ou cinq, organisez des sessions d’entretiens avec des camarades de classe et, si possible, des personnes plus expérimentées (élèves ayant déjà intégré ; grands frères ou sœurs déjà en activité ; parents qui recrutent occasionnellement) pendant lesquelles chacun explique en cinq minutes quelles sont ses pièces maîtresses (voir plus bas), donne son préambule, détaille son projet, puis pendant une dizaine de minutes se fait interroger par les autres personnes présentes, dont l’objectif sera de souligner d’éventuelles incohérences. C’est un excellent moyen de mettre très vite le doigt sur d’éventuelles failles de votre discours. Ces petites sessions ne doivent pas être une répétition des entretiens mais bien des séances d’entraide où chacun peut résoudre ses incohérences et lever ses incertitudes.
Votre objectif : rééquilibrer habilement les forces en présence
Dans ce dialogue où le jury peut décider de parler de tout et de n’importe quoi, une des clés de la réussite consiste à orienter les débats vers des terrains choisis, qui ont ainsi la double vertu d’avoir été préparés et de vous mettre en valeur. Cela permet de transformer un exercice initialement largement déséquilibré en faveur du jury, en un dialogue d’égal à égal.
Nous verrons vite comment choisir et préparer ces points particuliers que l’on veut aborder. Une fois ceux-ci choisis, il faudra faire preuve d’une certaine habileté pour orienter le débat vers eux. Cela nécessite un certain sens de l’à-propos qui n’est pas donné à tout le monde naturellement, et qui donc s’exerce. Le candidat doit avoir à l’esprit que toute perche tendue lui permettant de réorienter les débats vers un sujet qu’il juge favorable doit être saisie. Avec de l’entraînement, vous verrez chaque question non plus comme un piège, mais comme une opportunité de mettre en valeur votre candidature. Le but est de gagner le dialogue, et vos armes sont les éléments que vous avez préparés.
Mise en garde ici : ne vous créez pas un personnage ; le risque d’être démasqué est trop grand. N’essayez pas de vous rendre particulièrement “cool” ou sérieux ou travailleur si vous ne l’êtes pas : cela se verra et créera un sentiment d’inconfort relationnel avec le jury. Surtout, ne craignez pas de ne pas être assez intéressant : la plupart des admis ont des profils extrêmement classiques.
Votre ennemi : l’incohérence
Au cours de l’épreuve, pour vous mettre en difficulté et tester votre réaction, le jury cherchera nécessairement à souligner une incohérence, fût-elle artificielle, dans votre discours. Qu’est qu’une incohérence ? C’est lorsque vous dites que vous adorez l’art moderne, mais que vous ne savez pas qui est Mondrian. Que vous gérez très bien la pression, et que vous tremblez comme une feuille en le disant. C’est dire une chose et manifester son contraire.
Dans l’entretien, il ne s’agit pas seulement de développer des éléments cohérents en eux-mêmes, mais que tous soient cohérents entre eux, de la première à la dernière phrase. Le meilleur moyen de ne pas s’emmêler les pinceaux est de s’assurer au préalable que tout ce dont on souhaite parler ne présente pas d’incompatibilité intrinsèque majeure. Pour ce faire, pendant votre préparation, écrivez en une phrase chacun des points que vous souhaitez aborder ou aborderez probablement (vos “pièces maîtresses”, voir plus bas) et démontrez oralement, comme si vous étiez devant un jury, pourquoi il n’y a pas d’incohérence entre eux.
Lorsque le jury relève ce qui lui semble être incohérent, réagissez avec calme. Prenez le temps d’expliquer pourquoi l’incohérence n’est qu’apparente. Si ce que vous dites n’est franchement pas cohérent, c’est que vous avez fait une erreur en amont ; quoi qu’il en soit, ne vous laissez pas déstabiliser. Ou bien vous avez alors une idée lumineuse d’explication ; ou bien, ultime recours, reconnaissez votre erreur et tentez de passer à autre chose. Ne vous enfoncez pas dans un puits dont le jury seul décidera de la profondeur.
Enfin, n’oubliez pas de faire état de l’évidence. Un travers commun à beaucoup de candidats lorsqu’ils flairent une question piège est de surestimer l’implicite dans les échanges. A la question “Vous aimez l’argent ?”, trop de candidats commencent par une phrase du type “pour moi ce n’est pas important, il faut faire ce qu’on aime…”, ce qui est un régal pour les jurys (langue de bois, incohérence, naïveté). Bien sûr que, si vous n’êtes pas Diogène, vous aimez l’argent, au moins un minimum – vous le savez, le jury le sait. Commencez par faire état de l’évidence : “comme tout le monde, j’apprécie d’en disposer, mais...” pour éviter d’entrée cet écueil qui pourrait vous porter grand tort.
Si cet extrait vous a plu, vous pouvez vous procurer le livre complet Prépa HEC, d'admissible à intégré
AUTEUR : Emmanuel Vayleux
Diplômé d'HEC Paris, Emmanuel est l'auteur de Je Vais Vous Apprendre à Intégrer HEC et le co-auteur, avec son camarade de promotion Luc Choupin, de Prépa HEC, d'Admissible à Intégré, deux manuels qui guident le préparationnaire à travers ses deux ans de préparation des écrits, puis des oraux, des écoles de commerce. Il réside à Paris, où il est entrepreneur dans le domaine des nouvelles technologies.
