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Interview avec le directeur de Grenoble Ecole de Management

Grenoble Ecole de Management se pose à la fois en partenaire et concurrente des écoles d'ingénieurs.

Créée en 1984, Grenoble Ecole de Management (Grenoble EM) est l'une des plus jeunes écoles de commerce en France et emporte de jolis succès. D'emblée positionnée sur le créneau du management technologique, l'établissement isérois réussit depuis deux ans à placer l'un de ses programmes de troisième cycle au palmarès du Financial Times des meilleurs masters européens en management. Le groupe sait exporter son savoir-faire en matière de formation continue et gère nombre de formations à l'étranger. Enfin, son programme ESC est relativement bien positionné dans les choix des étudiants issus des classes préparatoires. Grenoble EM est dirigé par Thierry Grange, qui après une carrière dans l'industrie, a participé à la création de l'école. Ce sémillant directeur a répondu aux questions de l'Observatoire Boivigny.

 
Thierry Grange, le directeur de Grenoble Ecole de Management

 

Pourquoi Grenoble Ecole de Management a-t-elle choisi ce positionnement d'école de management et de technologie et comment communiquez-vous sur le sujet auprès des élèves des classes préparatoires ?

 

Ce n'est en effet pas un positionnement courant. Environ 10% des écoles de management dans le monde ont adopté cette spécialité. Elle correspond généralement à une logique d'environnement. A Grenoble, ce sont les industriels qui ont demandé la création de l'école de commerce. Ils voulaient des diplômés qui comprennent la technologie, des managers qui puissent se mélanger à des ingénieurs. Concernant les élèves des classes prépas : nous insistons beaucoup sur notre spécificité et le fait qu'elle importe davantage que notre rang.

 

Quels sont vos contacts avec les écoles d'ingénieurs ?

 

Nos étudiants sont constamment en contact avec des élèves en école d'ingénieurs, et notamment ceux de notre voisin, l'Institut National Polytechnique de Grenoble, avec qui nous coopérons depuis 20 ans. Nos étudiants mènent un projet d'étude en commun avec eux en troisième année. En outre, nous sommes leur partenaire dans le cadre d'un programme de formation continue qui mène au diplôme d'ingénieur de l'INP Grenoble, dans la spécialité management technologique. La mise en place de ce partenariat a été rendue possible par ces 20 ans de travail commun. Ce n'est pas si facile de travailler les uns avec les autres : ce qui limite les rapprochements entre écoles d'ingénieurs, universités, écoles de commerce, c'est généralement le manque d'expérience collaborative.

 

Vous percevez les écoles d'ingénieurs comme des concurrentes ?

 

Oui, car aujourd'hui le déplacement des frontières entre management et technologie fait que dans les métiers d'ingénieurs, il faut faire du management et inversement. Les écoles d'ingénieurs, tout comme les écoles de commerce, sont des fournisseurs de cadres pour l'industrie. En outre, il faut bien voir qu'il y a eu une inflation dans la création des écoles d'ingénieurs en France, et de ce fait beaucoup d'entre elles ont du mal à remplir leurs classes. Elles ont un véritable problème de masse critique dans certaines spécialités et cherchent donc à investir également le domaine du management, qui remporte toujours beaucoup de succès. On parle peu des problèmes des écoles d'ingénieurs, car elles ne communiquent pas beaucoup sur le sujet. Mais les choses changent : jusque-là, la hiérarchie de ces écoles était figée, maintenant les classements de Shanghai ou du magazine Le Point font bouger les choses. Elles se font une concurrence par l'image et rentrent dans une logique de compétition.

 

Et Sciences Po Paris, est-il aussi un concurrent ?

 

L'IEP de Paris prétend ne pas être une business school et développe un MBA dans le même temps. En réalité Sciences Po se lance à fond sur le marché du management. Soutenu par l'Etat, l'IEP est doté de moyens financiers colossaux et peut se développer librement en Province.

Pourquoi ne pas aller également sur leur marché et diversifier davantage votre offre de cours ?

Les étudiants qui choisissent de faire une école de commerce veulent enrichir leur culture générale, mais aussi avoir accès à un métier à la fin de leur cursus. Ils viennent chez nous pour l'emploi. Ce n'est pas le cas à Sciences Po, qui n'a pas de compte à rendre sur ce sujet.

 

Quelles sont vos activités à l'international ?

 

Nous avons choisi d'adopter une politique de développement international par le biais de la formation continue. Outre les échanges d'étudiants et de Professeurs avec nos 124 partenaires, nous nous positionnons en tant que prestataire de formation pour les cadres intermédiaires à l'international. Nous avons une solide expérience en la matière et avons travaillé à Pékin, Singapour, New Delhi, Moscou : nous y formons des cadres locaux pour le compte d'entreprises occidentales ou non occidentales.

 

Allez-vous investir le marché des bachelors ? Est-ce un marché rentable ?

 

Nous avons déjà développé des petits bachelors spécialisés, mais nous n'avons pas les moyens de développer ces programmes pour de plus grands effectifs. Se lancer dans des programmes à gros effectifs coûte cher étant donné les investissements en ressources humaines et en locaux. Nous ne pouvons pas concurrencer l'offre universitaire à ce niveau.

 

Quel est votre budget ?

 

Notre budget total est de 25 millions d'euros, soit 10 600 € par étudiant pour le groupe dans son ensemble. Les frais de scolarité d'un étudiant du programme ESC couvrent environ la moitié de son coût de revient, qui est de l'ordre de 14 000 € par an.

 

D'où proviennent vos ressources ?

 

Nous nous finançons grâce à la formation continue, à la taxe d'apprentissage et aux contrats de recherche. Globalement, Grenoble Ecole de Management tire ses ressources à 97% de ce que lui versent ses étudiants et les entreprises. Notre chambre de commerce n'a pas les moyens de participer davantage à notre financement qu'à hauteur de 3% de notre budget. Nos ressources financières reposent en grande partie sur notre capacité à insérer nos étudiants dans le monde professionnel.

 

Vous êtes membre du Board de l'organisme d'accréditation AACSB et d'EPAS (organisme EFMD), comment voyez-vous évoluer l'intérêt des business schools pour les accréditations ? De plus en plus d'établissements sont accrédités, notamment en France. Est-ce toujours un gage de qualité ?

La valeur de la certification n'est pas liée au petit nombre d'établissements qui l'ont obtenue. Accréditation et élitisme n'ont rien à voir. Quant à la multi-accréditation, c'est un problème français : sous cet angle, les écoles de commerce françaises sont les meilleures du monde ! En réalité, si les écoles françaises apprécient ces accréditations internationales, c'est qu'aucun système national n'a été développé. Les accréditations servent à améliorer la visibilité des établissements, ce sont aussi des signaux de qualité pour les étudiants, notamment à l'international.


Propos recueillis par Pierre-Alban Pillet

 

source : www.boivigny.com

Sébastien Lardez AUTEUR : Sébastien Lardez

Fondateur d'Ecoles2commerce.com et diplômé de GEM. Je blogue sur le monde des grandes écoles de management et m'intéresse particulièrement au web, à l'innovation et au monde de l'entrepreneuriat.

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